taiji quan vide et plein (xu et shi)
La notion du vide et du plein dans les déplacements du taiji quan
Les exercices de base proposés au début d’une séance de taiji quan sont destinés à aider les pratiquants à entrer dans le cœur de la pratique ; l’enchaînement du taiji quan. Ils apportent les apprentissages indispensables à l’exécution harmonieuse des mouvements :
- relâchement
- souplesse
- enracinement
- lenteur
- prédominance du mouvement de la taille
- respect de l’alternance du vide et du plein
Dans le style Yangjia michuan taiji quan, un certain nombre de ces exercices permettent l’apprentissage de la notion qui nous occupe ici, en voici la liste :
- enracinement sur le pied gauche puis sur le pied droit
- frapper avec le talon puis étirer la jambe à gauche et à droite
- s’asseoir sur le talon gauche, puis sur le droit
- tourner la taille et battre les flancs avec les mains
- exercices de base du tui shou
Leurs descriptions peuvent être consultées dans les ouvrages consacrés à ce style[1]. Les exercices de déplacement et de changement de direction qui seront décrits dans les chapitres suivants viendront donc en complément de ceux-ci. Avant d’aborder cette partie, voyons tout d’abord l’anatomie du pied ainsi que le déroulement du pied pendant la marche.
LE PIED
Les points d’appui du pied :
Ils sont au nombre de trois :
- la base du calcanéum
- la tête du premier métatarsien
- la tête du cinquième métatarsien
Ces trois points garantissent une stabilité maximale du pied.
Figure 1 Les trois points d'appui du pied
La poulie astragalienne au niveau de l’articulation de la cheville reçoit la force exercée par le poids du corps, celui-ci se repartit ensuite entre les trois points d’appui.
Figure 2 La poulie astragalienne
Les arches du pied
Ils sont également au nombre de trois :
- L’arche interne entre le calcanéum et la tête du premier métatarsien.
- l’arche antérieur entre le premier et le cinquième métatarsien.
- l’arche externe entre le cinquième métatarsien et le calcanéum (voir figue 5)
Les divisions du pied
Le pied se divise en deux parties :
- la partie interne du pied ou pied mobilisateur
- la partie externe du pied ou pied stabilisateur
La partie interne du pied interviendra plus particulièrement pendant le transfert de poids. C’est elle qui « poussera » en prenant appui au sol pour procéder au déplacement du corps. Nous n’oublions pas pour autant le rôle prépondérant de la taille dans le déplacement du poids du corps au cours des déplacements. La partie externe du pied sera plus particulièrement sollicitée après la pose du talon, elle est particulièrement riche en récepteurs sensitifs qui renseignent sur les déplacements des segments du corps.
La surface de sustentation
Il s’agit de la surface délimitée par les points d’appui des pieds. Si la projection du centre de gravité du corps sort du polygone de sustentation, il y a perte d’équilibre.
LA MARCHE
Le déroulement du pied
Le déroulement du pied s’effectue en trois temps :
- premier temps : l’appui est postérieur, le talon entre en contact avec le sol
- deuxième temps : l’appui est complet, la totalité de la surface du pied entre en contact avec le sol.
- troisième temps : l’appui est antérieur, seule la plante du pied reste en contact avec le sol.
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La succession des temps s’effectue ainsi :
- appui complet pied droit
- appui postérieur pied gauche
- appui antérieur pied droit
- appui complet pied gauche
- appui postérieur pied droit
- appui antérieur pied gauche
- appui complet pied droit
Dans le déplacement vers l’avant en taiji quan, nous retrouvons aussi ces trois temps; pose du talon avant, contact de la totalité du pied au sol, déracinement du talon arrière.
Les paramètres généraux à observer au cours des déplacements et changements de direction pendant la pratique du taiji quan
Ils constituent une synthèse des points abordés au cours des chapitres précédents.
Premier point : la pensée dirige le qi (Yi xin xing qi)
« Que les mouvements soient dirigés vers le haut ou le bas, vers l’avant ou l’arrière, vers la gauche ou la droite, le principe reste le même, c’est la pensée qui dirige et non pas un agent extérieur » Traité sur le taiji quan, attribué à Zhang Sanfeng.
L’acte moteur provient d’un processus mental, l’information est transmise par le biais des voies nerveuses.
Deuxième point : le regard suit la pensée, (yan shen zhu shi)
« Le regard doit être dirigé là où va l’esprit. Si l’esprit va à l’est et le regard à l’ouest, quelle efficacité pourrait-on avoir » Wang yen nien
Troisième point : l’horizontalité du regard
L’orientation dans l’espace et le maintien en position verticale de la tête et du corps au repos et en mouvement provient de la combinaison de trois fonctions :
- l’organe de l’équilibre qui enregistre les positions du corps et les mouvements dans l’espace.
- le regard qui renseigne le cortex.
- la sensibilité profonde qui nous informe [2]sur les positions des membres les uns par rapport aux autres (statesthésie), sur les mouvements des articulations (kinesthésie) et sur la sensation de résistance contre laquelle nos muscles agissent pour développer des mouvements (baresthésie).
Quatrième point : la taille gouverne[3]
Que ce soit dans l’avance et dans le recul, dans les changements de direction, dans l’absorption, dans les montées et les descentes du corps, c’est la taille qui dirige. Voici les conseils de Wang Yen Nien :
« Pour abaisser le centre de gravité, il faut se détendre, devenir lourd, profond, calme comme les montagnes, fluide, incessant, mouvant comme les fleuves »
C’est à partir de ce centre que vont s’ordonner les mouvements.
Cinquième point : « marcher comme le chat » (Wang Yen Nien)
Cette image nous rappelle que les déplacements en taiji quan s’effectuent lentement et souplement , le corps totalement relâché et l ‘esprit concentré.
« Ayez l’esprit vigilant comme le chat prêt à saisir la souris » Wang Zongyue Eclaircissements pour la pratique des treize mouvements
Les félins possèdent la faculté de passer rapidement du total relâchement à l’action la plus vive, leur regard exprimant leur principe vital.
L’exécution d’un geste est donc ordonnée ainsi :
L’intention (YI) le regard la taille les membres
[1] Taiji quan Bernapel et Charles, Yangjia michuan taiji quan C.Jeanmougin Tome 1 et 2, Yangjia michuan taiji quan Wang Yen Nien Tome 1.
[2] Par les mécanorécepteurs présents dans les muscles, articulations, tendons
[3] la taille comprend le bassin et la colonne vertébrale
Extrait d'un mémoire de l'IFAM "Vide et plein, le taiji quan des premiers pas" Cet article appartient à une série d'articles présentant des extraits de ce mémoire, celui-ci exprimait une reflexion personnelle sur le vide et le plein, veuillez bien en excuser les imprécisions et les erreurs qui ont pu s'y glissées, ceci n'ayant pas la prétention de résumer ce sujet si vaste...
Points et zones du pied sollicités dans la pratique du Yangjia michuan taiji quan
Nous allons nous intéresser aux deux parties du pied qui sont plus particulièrement sollicitées dans la pratique du style Yangjia michuan taiji quan,[1]le talon et la plante du pied. Une des particularités de ce style est la claire expression du vide et du plein à travers le mouvement. La pointe du pied relevée, ou le talon levé indique une jambe vide. Par contre toute la surface du pied au sol peut indiquer tout autant une jambe pleine, qu’une jambe vide. Comme l’indique Wang Yen Nien, il deviendra ensuite impossible de différencier la jambe vide de la jambe pleine au cours de l’exécution de l’enchaînement par un pratiquant confirmé.
Après avoir passé en revue les postures les plus caractéristiques de ce style[2], nous étudierons en détail ces deux parties du pied et nous les mettrons en relation avec le système des méridiens de l’énergétique chinoise.
Positions caractéristiques du pied dans la pratique du Yangjia michuan taiji quan
Lors d’un déplacement, le contact du sol est recherché soit par le talon soit par la plante du pied. Pour le pas vers l’avant, c’est le talon qui se pose en premier, et ensuite toute la surface du pied. Pour les deux autres déplacements, la plante du pied se pose en premier, ensuite la totalité du pied. Pour les trois cas, le poids du corps est transféré qu’à partir du moment où toute la surface du pied est en contact avec le sol.
PHOTO 1 La répartition du vide et du plein dans les trois déplacements principaux
PHOTO 2 Répartition du plein et du vide pendant le quart de tour
PHOTO 3 Répartition du plein et du vide pendant le demi-tour
Ici dans les deux cas (demi-tour et quart de tour) , dans la 1er phase du mouvement, le pied gauche effectue une rotation interne en prenant appui sur le talon. Dans la 2ème phase, le pied droit effectue une rotation externe en prenant appui sur la plante du pied.. Evidemment le mouvement de rotation prend son origine dans la taille, les mouvements de rotation au niveau des membres sont consécutifs à ceux de la taille.
PHOTO 4 La répartition du plein et du vide durant les deux types de poussées
Dans le premier exemple, la poussée commence en position basse, elle se développe ensuite suivant une trajectoire légèrement ascendante, le corps se redresse légèrement ; le talon de la jambe avant se soulève dans la deuxième phase. La montée du talon s’explique par le fait que le corps monte légèrement suite au mouvement de poussée ascendant.
Dans le deuxième exemple, le poids est transféré dans la jambe avant quand le pied avant est entièrement posé au sol. Dans la deuxième phase, on concentre plutôt le poids à la racine du talon de la jambe avant (recherche d’enracinement) : la poussée sera très légèrement descendante. Nous verrons un peu plus loin en détail ces deux poussées.
Etant donné l’importance apportée à ces deux zones du pied, nous allons les étudier en mettant en relation celles-ci avec l’énergétique chinoise. Des méridiens passent au niveau de la plante du pied et au niveau du talon. Sur ces trajets nous trouvons des points d’acupuncture, l’un au niveau de la plante du pied et deux autres de chaque côté du talon. Même si notre étude porte sur le pied, nous n’oublierons pas qu’en énergétique, tout le corps dans son ensemble est pris en compte.
Nous ne reviendrons pas sur la description du point Yong Quan, cliquez ici pour accéder à l’article qui lui est consacré.
le talon
A ce niveau, nous trouvons deux points d’acupuncture, R 6 Zhao Hai et V 62 Shen Mai, ils sont situés tous deux sous la cheville, le premier sous la malléole interne, le second sous la malléole externe.
Localisation du point Zhao Hai R 6
Dans le creux, 1 cun [3]droit dessous le bord inférieur de la malléole interne[4]
Figure 1 R 6 ZAO HAI
Localisation du point Shen Mai
Droit dessous le sommet de la malléole externe à 0,5 cun de son bord inférieur[5]
Figure 2 V 62 SHEN MAI
Chacun de ces points appartiennent au trajet de deux méridiens :
-
du zu shao yin (méridien principal des reins) et du yin qiao mai (vaisseau de la motilité du yin) ou (vaisseau yin qui s’élève du pied[8]) pour Zhao Hai R 6
Voici les trajets de ces méridiens[9]
Figure 3 Les méridiens en relation avec le talon
Les méridiens curieux yang qiao mai et yin qiao mai n’ont pas de points propres, leurs trajets passent par des points appartenant aux méridiens principaux. Le 62ème point du méridien de la vessie fait partie des points traversés par le méridien curieux yang qiao mai. Le 6ème point du méridien du rein appartient au trajet emprunté par le yin qiao mai. Le 62 V et le 6 R sont des points clés ou points de commande du yang qiao mai et du yin qiao mai. L’action sur ces points permet au méridien de jouer son rôle de régulateur ( absorption du trop de yin ou de yang) venant du méridien principal. Notons que les trajets de ces méridiens relient la tête aux pieds (mis-à-part le zu shao yin qui s’arrête à la poitrine. Le trajet du zu tai yang relie l’œil au pied, celui du yang qiao mai relie la cheville au crâne en passant par le visage, celui du yin qiao mai relie la cheville à l’œil.
Figure 4 Relation tête et pied
A ce sujet Lavier,[10]fait remarquer au sujet des méridiens yang et yin qiao mai que leurs trajets passent auprès des organes de perceptions. Il considère que toute action est fonction de perceptions préalables. Ces méridiens semblent jouer un rôle primordial vis-à-vis des déplacements, reliant plus particulièrement les yeux et le pied. Ils sont tous deux garants de l’équilibre du corps en mouvement, en liaison avec l’oreille interne et le cortex. Yong Quan, Shen Mai, et Zhao Hai constituent trois points d’appui énergétiques à partir desquels remonte vers le haut du corps la vitalité, le jaillissement de la vie.
[1] Les détails concernant le pied ont été tirés des photos du livre 1 de Maître Wang Yen Nien
[2] Nous avons relevé les positions les plus caractéristiques et non pas toutes les positions avec leurs variantes ce qui aurait constitué une énumération longue et fastidieuse.
[3] La largeur d’un pouce
[4] p 182 Précis d’acupuncture chinoise Dangles
[5] p 177 Précis d’acupuncture chinoise Dangles
[6] Larousse : aptitude à effectuer des mouvements spontanés ou réactionnels chez l’être vivant
[7] D’après E.Marie dans Précis de médecine chinoise p 80
[8] Idem note 30
[9] Planches issues du « précis d’acupuncture chinoise »
[10] p 159 Bio-énergétique chinoise Maloine
Extrait d'un mémoire de l'IFAM "Vide et plein, le taiji quan des premiers pas" Cet article appartient à une série d'articles présentant des extraits de ce mémoire, celui-ci exprimait une reflexion personnelle sur le vide et le plein, veuillez bien en excuser les imprécisions et les erreurs qui ont pu s'y glissées, ceci n'ayant pas la prétention de résumer ce sujet si vaste...
La notion du vide et du plein dans la pensée chinoise
Il ne s’agit pas de faire ici une étude détaillée de ce que les philosophes de la Chine ont exprimé sur le vide et le plein, ceci nécessiterait des développements qui dépasserait le cadre de ce mémoire. Par contre il était nécessaire d’y apporter quelques éléments, pour cela nous nous sommes appuyé sur l’essai de F.Cheng « Vide et plein ». Pour cet auteur le vide n’est pas quelque chose de vague ou d’inexistant mais un élément éminemment dynamique et agissant et serait le lieu où s’opèrent les transformations, où le plein serait à même d’atteindre la vraie plénitude.
LA CONCEPTION DU VIDE
Celui-ci est perçu comme appartenant à deux règnes : le nouménal[1] et le phénoménal[2]. Il est à la fois l’état suprême de l’Origine et l’élément central dans le rouage du monde des choses.
D’un point de vue nouménal
Pour les taoïstes, le Vide est avant le Ciel/Terre. Deux termes désignent cette notion : wu et xu. Wu se traduit par non avoir ou rien, et xu par vide. Lao zi (chap. XL) «L’Avoir produit les Dix mille êtres mais l’Avoir est produit par le Rien »(wu)[3]. Zhuang zi (chap. Ciel-Terre) : « Qui atteint à sa vertu primitive s’identifie avec l’origine de l’Univers, et par elle le Vide »(xu) Le non-avoir, le rien (wu) est à l’origine de toutes choses, tandis que le xu (vide) est au cœur de toutes les manifestations. Mais qu’entend t’on par vide ? Sur ce point écoutons Zhang Zai (1020-1077) : « le vide n’est pas vraiment une vacuité absolue, il est simplement le Qi [4] dans son état de dispersion, où il n’est plus visible » Le vide n’est pas néant, il recèle en son sein la vie elle même dont la manifestation n’est ni visible, ni palpable. Sur ce point, cela rejoint l’image contenue dans l’idéogramme xu.
D’un point de vue phénoménal
Dans les écrits taoïstes deux images sont utilisées afin de représenter le vide : la vallée et l’eau.
Pour Zhuang zi (chap. Ciel-Terre)
« La Grande vallée est le lieu où l’on verse sans jamais remplir et où l’on puise sans jamais épuiser »
Elle possède la faculté de recevoir sans limites et de prodiguer sans s’épuiser. On ne peut s’étonner qu’il puisse être à l’origine de toutes choses. L’eau semble sans force pourtant on peut difficilement la contenir, ses débordements déclenchent quelquefois des catastrophes, les chinois en savent quelque chose...
Pour Lao zi (chap. LXXVIII)
«Rien au monde de plus souple de plus faible que l’eau. Mais pour attaquer le fort, qui sera jamais comme l’eau ? Le Vide en elle la rend transformante ».
Sa force vient de sa capacité à revenir sans cesse, de sa faculté à contourner les obstacles.
La grande vallée est quelque chose qu’on ne peut parvenir ni à remplir ni à vider. Il n’y a pas de plénitude absolue, ni de vide absolu. Zhang Zai explique que pour le vide c’est le Qi dans son état de dispersion, pour le plein, il pourrait s’agir du Qi à son apogée .
Une autre notion a également intéressé F.Cheng, il s’agit du yin-yang. Il nous a semblé important de comparer les couples yin-yang et vide/plein.
RAPPORT ENTRE VIDE/PLEIN ET YIN-YANG
Analysons le chapitre XLII de Lao zi où il explique en quelques phrases ce qu’est le Dao.
Chap XLII de Lao zi |
Commentaires |
Le Tao d’origine engendre l’Un |
Le tao considéré comme vide (wu) engendre un souffle primordial |
L’Un engendre le Deux |
le deux c’est le yin et le yang |
Le Deux engendre le Trois |
le trois : le vide médian (xu) s’ajoute au yin et au yang |
Le Trois produit les dix mille êtres |
10000 êtres : toutes les manifestations |
Les dix mille êtres s’adossent au Yin Et embrassent le Yang
|
les 10000 êtres se meuvent entre fermeture et ouverture |
L’harmonie naît au souffle du Vide médian |
Pour l’homme, le vide est à rechercher dans son cœur |
Le rapport du vide et du yin-yang pourrait être représenté comme le suggère F.Cheng comme ceci
Figure 1 : Le vide représenté par un V
au centre d’un mouvement spiralé
Cette représentation montre le vide (xu) au cœur de toutes choses, il maintient toute chose en relation avec le vide suprême (wu) . Le saint taoïste possède le vide.
Zhuang zi (chap. se torturer l’esprit )
« Par son Vide et sa quiétude, le Saint rejoint la vertu du Ciel »[5]
Par le vide , le cœur de l’homme peut devenir la règle ou le miroir de soi-même et du monde, car possédant le vide (xu) et s’identifiant au vide originel (wu), l’homme se trouve à la source des images et des formes, il saisit le rythme de l’espace et du temps ; il maîtrise la loi de la transformation.
Zhuang zi (chap. la voie du ciel)
« Ce vide confère à l’âme une disponibilité qui fait que toute action accomplie est efficace »
D’après un autre auteur : J.M. Eyssalet, le Vide (wu) serait sous-jacent dans le diagramme du yin-yang. Suivons pas à pas avec l’aide de la figure 2 comment un peintre réalisait ce diagramme d’une façon traditionnelle.
Figure 2 : Réalisation du diagramme du yin-yang selon la conception traditionnelle d'après Eyssalet
le peintre commence par peindre un cercle entièrement noir, ceci représentant le vide (wu)
« Il le couvre totalement de couleur noire, signifiant ainsi que préalable à tout événement, énergie ou forme, existe un espace vide, immobile, obscur, totalement accueillant et condition sine que non de toute manifestation, à la façon d’une mère ou matrice universelle »[6]
Le peintre couvre de peinture rouge la partie gauche du cercle en dessinant un curieux poisson en partant du bas du cercle et en remontant par sa gauche, jusqu’en haut de celui-ci. Il ne recouvre pourtant pas entièrement le cercle noir d’origine, il laisse un liseré noir sur la périphérie du cercle signifaint toujours selon Eyssalet :
« Ce cercle noir circonscrivant l’ensemble du symbole rappelle la toute présence du yin sous-jacent »
Ici cet auteur confond le yin et le vide originel, nous garderons la proposition première de cet auteur qui voyait dans ce cercle noir, la représentation du vide (wu).
RAPPORT DU VIDE ET DE L’HOMME
D’après Zhuang zi ( chap. La voie du ciel)[7] L’eau en repos peut servir de miroir ainsi que de niveau, l’esprit de même peut refléter
« l’univers et tous les êtres »
et les qualités de cet esprit
« le vide, la tranquillité, le détachement, l’insipidité, le silence, et le non-agir sont le niveau de l’équilibre de l’univers, la perfection de la voie et de la vertu ».
Un peu plus haut, nous avons vu que le saint taoïste possède le vide (xu) dans son cœur et qu’il est relié au vide originel (wu), et que de par ce fait son action est efficace. Ici l’esprit est analogue à l’eau, s’il peut posséder les qualités de celle-ci, il reflète l’univers et sert de niveau aux actions humaines.
S’il est un domaine qui résonne également au son du vide et du plein, c’est bien l’énergétique chinoise. Le thérapeute agit sur les vides et les pleins, en rééquilibrant les excès et les carences. Certains auteurs avancent qu’un pratiquant de taiji quan agit tel le thérapeute sur son énergie par le biais de sa pratique. C’est certainement le cas de pratiquants ayant atteint une maîtrise dans leur art , pour bon nombre d’entre nous dont moi-même nous n’en sommes qu’à nos premiers pas. Nous pensons néanmoins que la compréhension graduelle de l’énergétique chinoise peut nous y aider.
[1] Pour Kant, concept de la chose en soi, conçue comme au-delà de toute expérience possible (Larousse)
[2] qui concerne les apparences des choses (Larousse)
[3] traduction de F.Cheng
[4] vapeur ; exhalaison ; fluide (phys., Chim) Gaz Air (atmosphérique) Haleine ; souffle. L’esprit, la vie qui anime le corps humain…485 Ricci
[5] Traduction F.Cheng
[6] p 33 Les cinq chemins du clair et de l’obscur J.M. Eyssalet
[7] p 177 ch. XIII dans Philosophes taoïstes Gallimard
Extrait d'un mémoire de l'IFAM "Vide et plein, le taiji quan des premiers pas" Cet article appartient à une série d'articles présentant des extraits de ce mémoire, celui-ci exprimait une reflexion personnelle sur le vide et le plein, veuillez bien en excuser les imprécisions et les erreurs qui ont pu s'y glissées, ceci n'ayant pas la prétention de résumer ce sujet si vaste...
A écouter sur France Culture
De quoi le vide est-il plein ? La Conversation scientifique par Etienne Klein, c'est ci-dessous
De quoi le vide est-il plein ?
De l'Antiquité jusqu'au Moyen Âge, on s'est furieusement bagarré à propos de l'existence du vide, jusqu'à aboutir à la fameuse formule de Roger Bacon : " La nature a horreur du vide ". Prise ...
https://www.franceculture.fr/emissions/la-conversation-scientifique/de-quoi-le-vide-est-il-plein
La notion du vide et du plein dans les textes consacrés au taiji quan
LA NOTION DU VIDE ET DU PLEIN DANS LES TEXTES CONSACRES AU TAIJI QUAN
Avant que l’enseignement du taiji quan ne soit diffusé en dehors des familles et des clans fondateurs, il était prodigué par un maître entouré seulement de quelques élèves. Pour parfaire cet enseignement de « cœur à cœur » et de « peau à peau », des chants furent créés dans un but mnémotechnique. Ils étaient destinés plus particulièrement aux adeptes analphabètes nombreux à cette époque. Certains de ces chants nous sont parvenus ainsi que des textes plus aboutis écrits par des lettrés qui les destinaient à ceux qui avaient de l’instruction. Cet ensemble de textes décrivent les principes régissant la discipline ainsi que la ou les philosophies qui sous-tendent celle-ci. Ces chants et ces textes forment ce qui est communément appelés « les classiques » du taiji quan, et constituent une mémoire et un guide précieux pour les pratiquants actuels.
Nous avons puisé dans ces écrits les passages les plus significatifs sur le vide et le plein. Un premier tableau rassemble des extraits de textes tirés des « classiques du taiji quan »[1], un deuxième nous livrera d’autres extraits issus du « Taiji quan biao jie », texte écrit par maître Wang Yen Nien. Le contenu de ces deux tableaux livrera le sens particulier que prend le vide et le plein dans une pratique martiale Pour répondre aux interrogations qui pointent sur ce sujet, certains extraits se suffisent à eux-mêmes, d’autres demandent à être développés. C’est ce que je m’efforcerai de faire en y ajoutant quelques remarques.
EXTRAITS TIRES DES « CLASSIQUES DU TAIJI QUAN »
Tableau 1 Le vide et le plein dans les "classiques"
EXTRAITS DES TEXTES |
TITRES DES TEXTES ET AUTEURS (présumés) |
Extrait 1 : « Il convient de distinguer clairement le vide du plein. Chaque partie du corps peut être vide ou pleine »
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Traité sur le Taiji Quan attribué à Zhang Sanfeng |
Extrait 2 : « Le côté gauche comme le côté droit comporte à la fois une partie pleine et une partie vide » « Pour rendre vos mouvements aisés, placez le poids de votre corps ou d’un côté ou de l’autre ; S’il est réparti également sur les deux jambes, vos mouvements seront maladroits. Ceux qui, après plusieurs années de pratique sont encore incapables de transformer leurs mouvements et sont toujours contrôlés par l’adversaire, ceux-là n’ont pas encore réalisé l’erreur de la double lourdeur. Pour éviter ce défaut, il faut comprendre la théorie du yin et du yang » |
Propos sur le Taiji Wang Zhongyue
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Extrait 3 : « En réalisant la symbiose de la pensée (yi) avec le souffle vous acquérez l’agilité. Les mouvements seront circulaires et vivaces : c’est ce qu’on nomme l’alternance du vide et du plein » |
Eclaircissements pour la pratique des treize mouvements Wang Zongyue |
Extrait 4 : « Applique-toi à bien différencier le vide du plein » |
Chant des treize mouvements Song Shuming
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Extrait 5 : « Le vide et le plein se distinguent clairement : si la gauche est vide, la droite est plein et vice versa. Le vide ne signifie pas absence totale de force mais que la puissance du souffle est déplacée. Le plein ne signifie pas que la force occupe tout le corps mais que la force spirituelle (jingshen) s’est concentrée là » |
Secret des cinq principes Li Yixu |
Extrait 6 : « Quand il y a lourdeur, vous ne pouvez ni avancer ni reculer comme vous le souhaitez, c’est pourquoi le corps doit être agile. » |
Secret des cinq principes Li Yixu |
EXTRAITS TIRES DU «TAIJI QUAN BIAO JIE» PAR WANG YEN NIEN[2]
Tableau 2 le vide et le plein dans le "Taiji quan biao jie"
Extrait 1 : « Car la transformation du vide et du plein provient des mouvements de la taille » |
Extrait 2 : « Différencier le vide du plein Le vide : la règle est de pouvoir lever et abaisser la jambe à volonté Le plein : il faut que les jambes soient fléchies et jamais tendues » |
Extrait 3 : « Quand tout le poids du corps est sur la jambe droite, on dit alors qu’elle est pleine et que la jambe gauche est vide et réciproquement.. C’est ainsi que les changements de rotations peuvent être agiles et légers et les gestes aisés. Sinon les pas deviennent lourds et gauches et les postures instables » |
Extrait 4 : « S’il n’y a pas de puissance dans les transformations du vide et du plein des membres supérieurs et inférieurs, il faut y remédier en ajustant les mouvements à la mobilité de la taille » |
Extrait 5 : « Souplesse et solidité dépendent de la situation. Lorsque l’autre est plein je suis vide et vice-versa. Tantôt vide, tantôt plein : ces deux attitudes alternent ainsi sans rupture » |
Extrait 6 : « Quand on adhère à l’autre, que ce soit avec la main gauche ou avec la main droite, dès que l’on perçoit une intention d’alourdissement : il faut vider à l’endroit du contact, alourdir s’il y a relâchement et peser immédiatement sur un côté dès la moindre double lourdeur » |
Extrait 7 : « l’autre se plie, je me déploie. L’autre se déploie, je me plie : vide et plein se répondent sans la moindre erreur » |
[1] Il s’agit des textes traduits par C.Jeanmougin et S.Metzlé qui figurent dans le livre de Wang Yen Nien, Yangjia Michuan Taiji Quan tome 1
[2] Dans « Les principes essentiels du Taiji quan traduction et commentaires du tableau de synthèse élaboré par Maître Wang Yen Nien » C.Jeanmougin
Extrait d'un mémoire de l'IFAM "Vide et plein, le taiji quan des premiers pas" Cet article appartient à une série d'articles présentant des extraits de ce mémoire, celui-ci exprimait une reflexion personnelle sur le vide et le plein, veuillez bien en excuser les imprécisions et les erreurs qui ont pu s'y glissées, ceci n'ayant pas la prétention de résumer ce sujet si vaste...