Song jing
Song Jing appartient aux principes animant la pratique du taiji quan, les images contenues dans les idéogrammes exprimant cette notion peuvent nous aider à élargir notre compréhension de ce principe présent non seulement dans la tradition du taiji quan mais bien au-delà dans d'autres disciplines ou écoles.
Le caractère Song
Etymologie
Composé au-dessus de Biao signifiant cheveux longs et flottants (Wieger 113)
Et au-dessous de Song signifiant conifères (Wieger 18) arbres verts en général (série phonétiques 380 Wieger)
Définition
Cheveux épars ; échevelé
Peu serré ; lâche ; détendu ; desserré ; détendre ; relâcher (Ricci 4590)
L’image de cheveux libres exprime l’idée de se mettre à l’aise, de se défaire, de déserrer des liens, de se délasser comme lorsque l’on arrive chez soi et que l’on se met « à l’aise ». L’idéogramme Song contient l’image d'un végétal toujours vert lié à l'élément bois, image de la jeunesse, de la souplesse et du début de la pratique.
Caractère Jing
Etymologie
Composé à gauche de Shui cours d ‘eau, eau (Wieger 12)
Et à droite de Zheng signifiant tirer en sens contraire ; se disputer ; lutter (Wieger 49)
Définition
Propre, pur, limpide, purifier, nettoyer, laver, dépouiller entièrement, vider, vide, nu, net
(Ricci 972)
Les caractères Song et Jing expriment donc deux notions ; tout d'abord le relâchement, il est obtenu par plus de naturel, par un retour à plus de spontanéité (l’image de cheveux défaits, libres) en deuxième nous trouvons l’action de l’eau ; nettoyer, vider, éliminer les tensions physiques et psychiques afin de favoriser l'action.
Wang Yen Nien a également utilisé l’expression suivante ;
Fang Song
afin d’exprimer cette même notion.
Fang signifie :
Paître faire paître, relâcher, lâcher, laisser aller, donner libre cours à (Ricci 1532)
Ici, l’association des idéogrammes Fang et Song exprime un renforcement du relâchement par le biais du doublement de caractères exprimant la même chose ou presque ; Fang Song c’est relâcher et relâcher encore ou plus simplement deux fois lâcher .
« Il faut être relâché jusqu'à ce que le corps soit vide de toute tension musculaire. La pensée, elle, reste vive. Si l’esprit est vif, mais le corps ni souple ni relâché, on ne peut dépasser les limites imposées par la force externe et physique » Wang Yen Nien extrait de « Concepts importants sur le tui shou »
Cette notion de relâchement n’est donc pas propre au taiji quan, nous le trouvons revêtu d’une aussi grande importance dans la tradition du Ling Bao Ming à travers un exercice issu des yi yin fa de cette école présentant quatre principes donc celui qui nous occupe : « Utiliser le minimum d’effort pour obtenir le maximum d’effet » Shi Ban Gong Bei [1] Ce premier principe est une porte d’entrée de la pratique, mais il ne s’agit pas uniquement d'une recherche d'une détente physique, Taisen Deshimaru parle du principe de Sutemi [2] qu’il présente comme le fait « d’ abandonner le corps et d’ abandonner l’esprit », c’est aussi pour lui l’oubli de l’ego. L’action s’effectue sans force physique ni mentale, le but semble s’évanouir pour aboutir à la conscience de l’instant, présent aux gestes, présent aux choses, à « l’ici et maintenant » cette force vécue dans l’instant présent est une des conséquences du relâchement physique et psychique.
Dans l’étude des "quatre principes" du Ling Bao Ming, le principe de « minimum d’effort pour résultat double » inaugure "l'enchaînement des quatres principes", il est suivi par le principe Bao Kuo "ici et maintenant" mis en relation avec un mouvement descendant relié au mouvement du métal, marqué par le dépouillement ; ce dépouillement c’est l’ego qui s’évanouit.
L’école Hakko Ryu a une proposition très proche de la précédente et place également ce « lâcher prise » en première lieu dans sa phase d’étude, il s’agit d’une maxime très semblable à celle du Ling Bao Ming, voici cette sentence :
La capacité de concentration d’énergie et d’action directe ; (3)agir avec moins d’effort pour plus d’efficacité, en bas de cet article le détail de ces principes.
Elle rejoint la formule favorite du créateur du judo (littéralement voie de la souplesse) ; Jigoro Kano qui était « Seiroku Zenyo » (meilleur usage de l’énergie) Ce principe est enraciné dans la pensée asiatique depuis bien longtemps, on en trouve trace dans un des textes les plus importants du taoïsme le Zhuang Zi, on attribue à Kung Fu Zi (Confucius) cette sentence en tout point semblable au principe commun des écoles du Hakko Ryu Ju Jitsu, du Ling Bao Ming et du judo.
« Agir avec le minimum d’effort et obtenir le maximum de résultats, telle est la voix du saint »
En utilisant le minimum d’effort physique et mental, l’énergie circule mieux. La dureté, les tensions freinent la circulation de l’énergie. C’est pour cette raison que nous trouvons ce principe dans ces différentes écoles traditionnelles alliant martial et santé. L’idée consiste à utiliser l’énergie (Qi ou Ki en japonais) plutôt que la force (LI)
Terminons cette étude (plutôt cette ébauche ou introduction par rapport au sujet) par deux phrases et laissons les résonner en nous afin de nous amener ainsi à réfléchir à comment obtenir plus de relâchement dans notre pratique, la première est une déclaration de Koichi Tohei Sensei 10ème dan d’aikïdo rapporté par B.Bordas, la deuxième est de Zheng Manqinq le maître aux cinq excellences.
« L’attitude naturelle du corps est la décontraction, regardez les félins. Pour cela il faut que nous (l’esprit) soyons détachés. Si l’esprit se crispe, le corps se crispe. Le corps n’est que le reflet de l’esprit » Koichi Tohei
« Etudier le taiji c’est apprendre à se relâcher » Zheng Manqing
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Sources :
Bulletin de l’amicale du Yangjia michuan n°27
Caractères chinois L. Wieger
Dictionnaire français de la langue chinoise Institut Ricci
Yangjia Michuan taiji quan Tome 1 C.Jeanmougin Editeur Ecole Française de taiji quan
http://www.passion-ninjutsu.com/
A lire pour en savoir plus :
p 43-50 Les principes essentiels du taiji quan C.Jeanmougin GRDT
Annexe : Source SHIATSU MODULE 1 ARTEC P.JASINSKI