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ASSOCIATION LE BAMBOU QI GONG ET TAIJI QUAN A HEROUVILLE SAINT-CLAIR PRES DE CAEN CALVADOS NORMANDIE

Archive ; Interview jeux d'Epée 2008

30 Mai 2024 , Rédigé par Thierry Lambert

Claudy Jeanmougin, Jean Luc Saby et Joël Roche tous trois animateurs des jeux d’épée 2008 se sont prêtés au jeu de l’interview, voici leurs réponses.

 

Quelle est pour vous la place des armes dans l’art martial ?

 

CLAUDY JEANMOUGIN

 

Les armes sont essentielles dans la pratique des arts martiaux, d'autant plus qu'elles sont de précieux outils pédagogiques pour la pratique de la forme à mains nues pour ce qui est du taiji quan. Dans ce cas, ce qui compte, c'est moins la pratique de l'arme elle-même que l'effet de sa pratique sur le pratiquant. Par exemple, tel pratiquant qui a toujours les mains froides alors même qu'il pratique depuis quelques années, mettez-lui une arme dans la main et tout ira bien. Pourquoi? Simplement parce que son attention sera portée sur l'instrument et que, sans s'en rendre compte, il s'exerce à l'oubli des mains. Tel autre pratiquant qui a des gestes très resserrés, aussitôt qu'il prend un éventail, ses gestes prennent du volume parce que "l'instrument" ne lui laisse pas le choix. Nous pourrions continuer à fournir de nombreux autres exemples de cet ordre, ce qui viendrait totalement à l'encontre de ce que certains professeurs préconisent comme une règle essentielle, toujours pour le taiji quan, qu'il faut d'abord maîtriser la forme avant de toucher à une arme…

Un autre aspect du maniement des armes est celui de la responsabilité en qualité de pratiquant. D'une part, l'arme permet de mettre à jour certaines peurs, et d'autre part elle oblige à une prise de conscience de quelques principes de sécurité, comme celle de la "distance" qui est aussi un principe dans les arts martiaux.

La pratique d'une arme est un art martial en soi, la pratique de l'arme dans les arts martiaux à mains nues oblige le pratiquant à avoir une attitude correcte dès le départ.

 

J.L.S.

 

            L’arme cache l’outil que l’être humain ne cesse de manipuler pour subvenir à ses besoins les plus rudimentaires. Les armes montrent l’outil dans une noblesse particulière, fondée sur des rituels et des manipulations correctement structurées. La pratique des armes à deux fait intervenir des règles sociales plus exigeantes.

 

J.R.


Durant toute sa vie O Senseï [1] a pratiqué les armes. Ce qui a participé, par là même, au processus de création de l'aïkido. Étudier en parallèle l’aïkido avec et sans armes, c’est refaire un petit bout du chemin qui a mené à notre discipline, c’est élargir sa vision, trouver des ponts. C’est aussi, à mon sens, se donner une situation supplémentaire d’expérimenter les principes qui régissent l'aïkido. Prenons en exemple ryote dori / tenchi nage : Que se passe-t-il pour Tori ? Le centre à partir des points d’appuis, crée une spirale. Celle ci engendre une dynamique à l’intérieur du corps de Tori. Cette dynamique va être transmise au partenaire au travers des points de saisies. Ce qui va intégrer le Uke dans la spirale, le déstabiliser puis le projeter.

Si l’on a une arme dans les mains, la dynamique va se transmettre dans l’arme, passer par le point de contact (ou d’impact) dans l’arme du partenaire, se répercuter dans son corps et sur ses appuis. Ce qui permet, par exemple, de balayer une attaque et de piquer avec un Jo (gaeshi tsuki)

Les applications sont différentes, mais le principe mis en action est le même: la spirale. On peut dire que le mouvement part du sol, se développe dans le corps, passe dans l’arme et se répercute chez le partenaire. Le développement des cercles, la concentration du triangle, la notion de contact peut s’illustrer de la même façon.

 

 « Entrez sous le signe du triangle, réalisez le mouvement suivant la technique du cercle puis contrôlez en conduisant vers le bas sous le signe du carré ... » O Sensei


       Si nous sommes théoriquement d’accord pour dire que l’arme est le prolongement du corps, par conséquent, pourquoi ne pas utiliser l’arme pour travailler ce corps ?
De plus, l’arme a sa propre originalité; si elle est intégrée à la gestuelle, à la dynamique, elle concrétise les notions d’axes, de lignes, de plans, d’alignement, et rend subtile la notion de contact. La pratique des armes est un moment où le travail de l’intention demande plus de rigueur et de présence. Intention sans laquelle l’échange se vide de sa substance, de son sens. Et surtout, les armes sont complémentaires au travail à mains nues, car elles créent une situation où les rapports de temps, de vision, et de placement prédominent, une situation où la vigilance et l’urgence sont accrues, une situation où puissance et poids ne sont plus un handicap.

 

 

Dans les arts martiaux indonésiens, on commence par la pratique des armes avant la pratique à mains nues, que pensez-vous de la place offerte aux armes dans ces disciplines ?

 

C.J.

Je ne peux pas me prononcer sur ce que je ne connais pas, mais je pense que c'est une très bonne école que celle des armes.

 

JEAN-LUC SABY

Je ne connais pas particulièrement l’Indonésie, je donnerai simplement mon avis. Il existe des sociétés où les activités agraires sont dominantes, où se retrouver avec un outil entre les mains est plus courant qu’avoir les mains nues. On commencera donc naturellement par la pratique des armes avant la pratique à mains nues. En occident, les activités intellectuelles sont plus nombreuses et même valorisées, on constate que la pratique des armes arrive au-delà de la pratique main nue.

 

 

Selon vous, pourquoi pratiquez les armes au 21ème siècle ?

 

C.J.

D'un point de vue guerrier cela a bien peu de sens, encore que le combattant sait bien que les munitions ne sont pas inépuisables et qu'à une étape ultime, ou il se sert de ses mains ou de ce qu'il trouve sous ses mains, et pourquoi pas une arme. Là, nous sommes dans le domaine de la survie du combattant, ce qui n'a rien à voir avec les arts martiaux.

Former un combattant prend moins d'un an, former un artiste martial prend des années. Quelle est la différence? L'un est formé pour tuer, c'est facile, l'autre non, c'est plus compliqué.

 

J.L.S.

Il y a t-il un siècle où les armes n’aient pas été pratiquées ?

 

 

Quelles réflexions vous viennent face à l’engouement actuel d’une discipline comme le taiji quan ?

 

C.J.

Le taiji quan est une discipline apparemment à la portée de tous et, fort de cette illusion, nombreux sont les adeptes potentiels. Et puis il ne faut pas se leurrer, cette discipline est le plus souvent présentée comme une technique de santé, alors allons-y… puisque nous sommes tous potentiellement malades. Les désillusions sont nombreuses quand l'illusion ne persiste plus. Méfions-nous donc de ce grand élan.

Cependant, le taiji quan offre ce que nombre d'autres disciplines du même ordre n'offrent pas ou plus : une base philosophique aux multiples facettes. Mais là encore, attention à ne pas tomber dans le piège facile de la grande église car les prêtres sont nombreux.

Il y a un grand manque dans notre société, un manque qui provient certainement aujourd'hui de l'absence totale de toute idéologie et de véritables philosophes. Alors on se penche sur ce qu'il y a de plus lointain pour se donner une bonne raison d'être en se raccrochant à des racines qui ont su résister au temps.

 

J.L.S.

La pratique sportive s’interrompt lorsque les muscles et les articulations sont fatigués (vers les 40 ans), elle ne convient pas non plus à certaines constitutions physiques fragiles. Il y avait donc un créneau que le taiji quan a investi, car celui-ci impose moins de contre indication à sa pratique. Le taiji quan a aussi renforcé sa position en apparaissant comme « thérapeutique » et « non violent ». Mais attention l’engouement ne veut pas dire que l’investissement se poursuive sur le long terme.

 

 

JOËL ROCHE

Il est intéressant de noter que dés l’an 1400, on parle des six accords, dans les textes classiques du Tai-chi (pratique martiale chinoise dont les principes ont été formulés durant la dynastie Ming - 1368/1644) :
 

  • Le coeur en accord avec l’intention
  • L’intention en accord avec le souffle,
  • Le souffle en accord avec l’énergie.

 

  • La main en accord avec le pied,
  • Le coude en accord avec le genou,
  • L’épaule en accord avec la hanche.


Recherche d’unité ...
Et, paradoxalement, plus on est à l’écoute de soi, plus on est à l’écoute de l’Autre.

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Interview réalisé en 2008 aux Jeux d'épée 2008 par Thierry Lambert

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[1] Ueshiba Morihei

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